Cet article analyse dans trois textes issus de la littérature francophone postcoloniale qui mettent en scène le trauma de la guerre d’Algérie, les procédés narratifs et stratégies littéraires qui s’attachent à susciter de l’empathie du lecteur pour les personnages. Chaque texte part d’un événement réel en entrelaçant les faits historiques et le présent avec la fiction, ce qui peut avoir un autre impact sur les sentiments du lecteur que celui qu’aurait un texte purement fictif, puisqu’il pourrait s’attendre à une meilleure compréhension de la situation postcoloniale, attentes renforcées par le paratexte chez Djebar et Sansal. En s’appuyant sur les théories de Suzanne Keen (2007) et Fritz Breithaupt (2009) ainsi que sur le modèle de Birgitte Scheele (2014) sur l’empathie, il est montré que l’empathie peut surtout être favorisée par la focalisation interne, les relations interpersonnelles empathiques des personnages ainsi que, chez Djebar, la polyphonie. La construction imaginative de l’autre est soulignée comme nécessaire, tandis que la description détaillée des faits réels peut laisser prédominer le sentiment de pitié. A fortiori, l’empathie peut être rendue difficile chez Sansal dans les passages qui vont à l’encontre des convictions morales du lecteur, provoquant une résistance imaginative, ce qui est dû au fait que ces passages dans un souci documentaire concernent la réalité et non la fiction.
This article analyzes the narrative processes and literary strategies that seek to engender the reader’s empathy for the main characters in three francophone texts that depict the trauma of the Algerian War of independence. Each text starts from a real event by intertwining historical facts and the present with fiction, allowing for a better understanding of the postcolonial situation. These expectations are reinforced by Djebar’s and Sansal’s paratexts. Drawing on the theories of Suzanne Keen (2007) and Fritz Breithaupt (2009), empathy can especially be favoured by internal focalization, the characters’ empathic interpersonal relationships as well as polyphony. The imaginative construction of the other is emphasized as necessary, while the detailed description of historical facts may rather provoke feelings of pity. A fortiori, empathy can decline or be blocked in the passages which go against the moral convictions of the reader. This imaginative resistance is due to the fact that these passages concern reality and not fiction.