Cet article analyse comment deux autrices dans le roman graphique prennent pour sujet la condition féminine au Maroc dans le sillage des dits printemps arabes. L'accent est mis sur la question de savoir comment les protagonistes exercent plus d'emprise sur leur corps et ainsi sur leur vie en dénonçant un discours victimisant dans une société marocaine tiraillée entre tendances conservatrices et impacts du monde globalisé. Pour ce faire, les notions d'empowerment et d'agency sont utilisées et leur interprétation est montrée au fil du temps depuis leur émergence dans les années 1970 aux États-Unis dans différents champs de recherche et jusqu'à leur réapparition et leur réinterprétation dans les études féministes et de genre en France. L'analyse confirme que si l'empowerment vise à changer les normes en introduisant de nouveaux droits, la capacité d'agir, l'élément essentiel de l'empowerment, pourra aussi exister dans les structures de subordination. Le roman graphique comme stratégie littéraire d'un empowerment s'inscrit dans une tradition de la bande dessinée féministe qui débuta dans les années 1970 en France avec Claire Bretécher, genre qui permet d'exprimer les non-dits de façon plus expressive et démonstrative que ne le fait le seul texte. Or, la question du lectorat de ces deux ouvrages publiés en France montre que l'empowerment ne peut pas être imposé de l'extérieur par des personnes bien intentionnées car il s'agit d'abord et avant tout d'un processus intérieur qui est nécessaire pour un empowerment au niveau collectif.
This article analyzes how two female authors make use of the graphic novel to challenge the social status of women in Morocco in the wake of the so-called Arab Spring. It focuses on the question of how the protagonists exercise more control over their bodies and thus over their lives by denouncing a victimizing discourse in a Moroccan society torn between conservative tendencies and the impacts of the globalized world. To this end, it calls upon notions of "empowerment" and "agency" and how the interpretation of these terms has evolved over time, beginning from their emergence in the 1970s in the United States in various fields of research to their reappearance and reinterpretation in feminist and gender studies in France. The analysis confirms that if "empowerment" aims at changing norms by introducing new rights, the capacity to act, which is the essential element of "empowerment", can also exist within structures of subordination. The graphic novel serves as a literary strategy of "empowerment" and is part of a tradition of feminist comics that began in the 1970s in France with Claire Bretécher. As a genre, it allows for the expression of the unspoken in a more expressive and demonstrative way than does text alone. However, for these two works published in France, the question of readership arises, revealing that "empowerment" cannot be imposed from the outside by well-meaning people, as it is first and foremost about enacting an internal process in order to engender "empowerment" at the collective level.